Les tribulations d’une hypersensible : comment j’ai réussi à transformer ma souffrance en cadeau

Aussi loin que mes souvenirs remontent, j’ai toujours ressenti les choses avec une grande intensité. J’ai également vite compris que ma sensibilité était différente de celle de la plupart des gens de mon entourage. 

Le mot « hypersensible » a été posé sur ma vie il y a une petite quinzaine d’années seulement. J’avais un peu plus de 20 ans.

Le chemin a été long pour accepter et vivre en paix avec cette particularité, mais je la vois aujourd’hui comme une qualité que je ne changerai pour rien au monde.

Si, toi aussi, tu es hypersensible et que tu en souffres, je te raconte dans cet article comment j’ai réussi à transformer cette hypersensibilité en cadeau.

Hypersensibilité : une vision du monde à part

Aujourd’hui, avec du recul, j’ai conscience que déjà, enfant, certaines choses prenaient une ampleur qui peut sembler totalement démesurée d’un point de vue extérieur. Des exemples, j’en ai à la pelle, mais le premier qui me vient à l’esprit est le jour où l’on a coupé un sapin dans le jardin de ma maison de campagne. Je devais avoir une dizaine d’années. Assise sur une branche du cerisier à quelques mètres de là, j’étais inconsolable, entraînant ma cousine avec moi dans mon chagrin. Je me souviens parfaitement de la tristesse et de la colère qui ont englouti mon cœur au moment où la tronçonneuse s’est attaquée aux premières branches. J’avais l’impression d’assister à la mise à mort d’un ami, et cette sensation a longtemps laissé un trou béant à l’intérieur de moi. Mais c’est aussi le détachement généralisé des adultes présents ce jour-là qui m’a profondément marquée. Je ne comprenais pas ce décalage entre eux et moi. Si c’était ça, devenir adulte, ça ne m’intéressait pas !

Toujours est-il que, malgré cet épisode marquant, et d’autres qui ont suivi, à cet âge-là, je considère encore cette sensibilité bien prononcée comme « ma plus belle qualité », comme je me revois le dire à ma mère, assise par terre dans ma chambre au milieu de mes Barbie.

C’est au début de l’adolescence, après avoir été quelque peu malmenée par les premières claques de la vie, que mon hypersensibilité a commencé à s’accentuer. Les émotions positives grimpaient alors très haut et les émotions négatives, quant à elles, descendaient très bas. La chute entre les deux n’en était que plus grande, et c’est évidemment ces émotions difficiles à vivre qui laissaient le plus de traces en moi.

Je devenais alors excessivement nostalgique, voire mélancolique. Je me posais constamment des questions existentielles sur la vie et sur la mort, en observant ce monde étrange que je ne comprenais pas bien. Encore une fois, j’avais la sensation que mon cerveau allait trop vite. Il bouillonnait sans arrêt. Il analysait tout : les mots utilisés, les regards échangés. Il décortiquait tout : les phrases prononcées, les émotions dissimulées. Il questionnait tout, il interprétait tout. Pire encore, il surinterprétait tout. J’aurais tellement aimé pouvoir appuyer sur pause pour le faire taire un peu.

Mon cœur de son côté aimait tout, voyait tout, sentait tout, captait tout : des malaises aux non-dits, de la tristesse des uns aux manipulations des autres. Il savait pertinemment quand on lui mentait, mais il ne pouvait pas toujours expliquer comment. Et quand il aimait, il ne faisait jamais semblant. Il était régulièrement transpercé par une simple intonation de voix et il percevait les détails que d’autres ne remarquaient pas.

Les joies, les rires, l’amour, mais surtout les déceptions, les trahisons, les peines de cœur : tout était décuplé, tout était exacerbé, tout prenait de l’ampleur.

Mon empathie était telle que j’absorbais souvent les émotions des autres et les vivais parfois avec autant d’intensité que si elles étaient miennes. Certains jours, je me surprenais même à avoir du mal à les dissocier. Il me fallait quelques instants pour revenir à moi et m’en détacher.

Dans ma tête, ça moulinait constamment. Je ressassais tout, inlassablement. Chaque situation pouvait m’occuper l’esprit pendant des jours, et là où la plupart des gens tournaient la page en quelques semaines ou quelques mois, je pouvais mettre jusqu’à plusieurs années.

La vérité, c’est que je me noyais dans un dégueulis d’émotions, là où certains ne ressentaient rien.

Alors, à la longue, je commençais à avoir la nausée, constamment coincée dans ces montagnes russes émotionnelles. J’étais fatiguée d’avoir à batailler pour faire comprendre et accepter ma réalité. J’étais agacée et blessée de passer pour excessive auprès des personnes qui m’entouraient, alors que j’exprimais simplement ce que je voyais et ce que je ressentais si fort au fond de moi. Et si, par malheur, quelqu’un remettait en question la véracité de mes ressentis, je me sentais attaquée dans le fondement de mes valeurs les plus profondes, si importantes à mes yeux, et je pouvais en être profondément meurtrie.

Les tribulations d'une hypersensible - Transformer la souffrance en cadeau.

« Tu es beaucoup trop sensible ! »

Face à mes réactions, j’entendais souvent : « Cécile, tu es beaucoup trop sensible ! »

Mais trop sensible par rapport à qui ? Par rapport à quel référentiel ? Suis-je vraiment « trop » ou bien peut-être est-ce vous qui n’êtes « pas assez » ?

Pourquoi mettons-nous systématiquement les gens dans des cases qui les enferment ?

Bien sûr, je savais que ces remarques étaient rarement blessantes, mais elles s’ancraient malgré tout dans mon inconscient. Je comprenais que, face à des émotions extrêmes que l’on ne comprend pas et qui peuvent sembler exagérées, on a envie de protéger et d’endurcir l’autre afin de le préserver. Cela semble naturel et c’est bien là le rôle des gens qui nous aiment.

Mais lorsque l’on dit « trop », il y a bien souvent une connotation négative et, dans ma tête d’hypersensible qui décortique tout, j’en concluais que je n’étais pas normale.

Et cela laisse bien souvent des traces indélébiles qui affectent l’image que l’on a de soi sur le long terme.

Alors, par la force des choses, ma façon de voir cette particularité singulière a évolué à mesure que je me prenais des claques dans la figure. Cette sensibilité à fleur de peau est devenue mon plus gros défaut : une ennemie à abattre.

Oui, car comment continuer de voir le positif de cette sensibilité qui m’écorchait vive et m’obligeait à vivre les événements de la vie avec une telle ardeur ?

Pourquoi continuer de voir comme une qualité cet état d’être au monde si particulier, qui me faisait prendre les choses les plus insignifiantes autant à cœur ?

Les années passèrent et les Barbie désertèrent les placards.

Le discours que je tenais alors à ma mère changea. C’est ainsi qu’entre deux haut-le-cœur étouffés par les larmes, je lui disais parfois : « Je ne sais pas quoi faire de toutes ses émotions… J’ai le cœur trop grand pour moi. »

Il est vrai que j’ai toujours mis facilement des mots sur mes émotions, mais avec le temps, en voyant certaines réactions autour de moi, j’ai appris à les garder pour moi, à les masquer. J’ai appris à faire semblant. L’émotion est bien là au creux de moi à me nouer le ventre, mais je la dissimulais. Soit je mettais un voile sur mon cœur, soit je faisais un savant travail d’évitement pour ne pas être confrontée à certaines situations que je percevais à l’avance comme étant difficiles à gérer émotionnellement.

Malgré ça, je restais dominée par mes émotions. Mon empathie dévorait ma vie, et c’est tout mon quotidien qui en était affecté, car je n’avais de place pour rien d’autre, si ce n’était pour mes TOC, toujours fidèles au poste pour prendre le relais.

TOC + hypersensibilité = Souffrance voire Dépression

Le sais-tu peut-être déjà si tu me suis sur les réseaux sociaux, mais j’ai souffert de troubles obsessionnels compulsifs dès le plus jeune âge. Alors, tu peux facilement imaginer que le mélange des deux donne un résultat aux saveurs un peu particulières…
Dans mon cas, ils ont été indissociables, l’un entraînant constamment l’autre, l’un étant possiblement même la cause de l’autre.

J’étais coincée dans une lutte interne contre l’angoisse et le tourbillon constant de questionnements et d’analyses. L’hypersensibilité et les troubles obsessionnels compulsifs ne me laissaient que très peu de répit et me jetèrent tout droit dans les bras de la dépression.

C’est donc un peu malgré moi que je suis entrée en guerre contre ma sensibilité.
Pour être conforme, pour entrer dans la norme, pour ne pas détonner, j’ai dû livrer bataille contre cette facette de ma personnalité.

C’est triste de rejeter une partie de soi qui prend autant de place !
C’est un peu comme si l’on se reniait.
L’être humain est capable de toutes les bêtises pour être accepté et pour être aimé.

Mais à quoi bon être accepté si l’on est pas pleinement soi-même ?

Je vois tout, je sens tout, mille détails entrent en moi, comme de longues échardes, et m’écorchent vive. Mille détails que d’autres ne remarquent pas parce qu’ils ont des peaux de crocodile.

Plus les années passaient et plus je me sentais en décalage avec le monde. Je disais souvent que j’avais l’impression d’être un ovni, parce qu’en matière d’émotions, c’est exactement ce que je me sentais.

En réalité, je sais aujourd’hui que je ressens juste les choses un peu différemment, et qu’il n’y a pas de mal à ça. Je pense que l’on devrait s’aimer, même si l’on est différent. À vrai dire, je pense même que l’on devrait s’aimer surtout si l’on est différent. 

Mais la société dans laquelle nous évoluons nous rappelle bien souvent que pour être intégré, il faut être conforme. Alors, il me semble que cette différence nous la regardons encore avec méfiance. Personnellement, je trouve que c’est ce qui nous rend si beaux, si uniques et si complémentaires les uns des autres. Si seulement l’on savait mettre le curseur au bon endroit. Si seulement l’on apprenait à s’enrichir de la différence de l’autre plutôt que de la jalouser, de la rabaisser ou de la critiquer.

Malheureusement, le temps passe et je réalise quelque chose de terrible : je me complais dans mes prises de tête, car je ne connais plus que ça et, finalement, je crois que c’est comme ça que je me sens vivante. Je m’englue dans le négatif, et j’y prends presque du plaisir, j’en redemande. C’est triste, n’est-ce pas ? C’est devenu ma drogue à moi, mon shoot d’adrénaline. Une vraie camée.

Le passage de « pourquoi moi » ? à « pourquoi pas ? »

En 2017, ma vie a pris un nouveau tournant. Ce tournant m’a aidée à changer de regard sur ma vie, à voir mon parcours autrement et à accepter peu à peu les pépites de mon cœur. Ces pépites que nous avons tous si l’on apprend à regarder à l’intérieur.

Au cours de ces dernières années, j’ai appris à composer avec mon hypersensibilité et à faire la paix avec elle. J’ai choisi de l’accepter comme le cadeau qu’elle est et de la voir à nouveau avec mes yeux d’enfant pour en tirer le plus beau.

Je suis passée de « pourquoi moi » ? à « pourquoi pas ? ».

Alors, oui, cela reste compliqué d’être hypersensible dans cette société « hyper-insensible ». Ce n’est pas simple de ressentir tout différemment dans un monde qui nous pousse à vivre et à penser tous de la même façon. C’est douloureux de voir ce que l’on fait à la planète et aux animaux quand on a conscience de ce qu’ils sont.

Néanmoins, je crois qu’il y a, dans tout ce qui nous arrive, deux façons de voir les choses, et cette phrase d’Einstein que j’aime beaucoup résume superbement cette idée :

« Il y a deux façons de voir la vie :
l’une comme si rien n’était un miracle, l’autre comme si tout en était un. »

Je te laisse imaginer laquelle de ces deux phrases j’ai décidé d’appliquer à ma vie le plus souvent possible, et je t’invite à en faire de même, tu verras : c’est magique !

Changer de regard sur son hypersensibilité

Avec le recul, je pense que le bonheur est en grande partie un choix.

J’aurais bondi en entendant ça, il y a quelques années, coincée entre ma dépression, mes vieux démons et mes schémas de répétition. Aujourd’hui, je crois vraiment que l’on peut changer sa vie en changeant de regard sur ce qui nous arrive.

Un de mes plus grands apprentissages de ces dernières années est que tout ce qui nous arrive à un sens. Même s’il est difficile de le comprendre et de l’accepter quand on a la tête dedans, traverser les épreuves de la vie nous permet bien souvent de nous révéler à nous-mêmes et d’aller puiser dans l’essence même de notre âme.

En décidant de voir mon parcours et ma sensibilité avec bienveillance, j’ai ouvert le champ des possibles. Ressentir de la gratitude pour tout le beau que m’apporte cette grande sensibilité a bouleversé ma vie et ma façon de voir ma si grande sensibilité. 

Bien évidemment, il y a des choses qui ne changent pas : mon cœur se sert toujours quand je vois un arbre être abattu, je pleure systématiquement devant les films émouvants, mais aussi devant les films qui ne le sont pas, je continue de prendre les choses de la vie très à cœur, et le bonheur des gens me fait monter les larmes, tout autant que leurs malheurs.

Je frissonne systématiquement à la vue d’un animal écrasé sur la route et je peux passer trente minutes à rincer et à sécher un moucheron qui aurait fait un plongeon dans ma boisson.

Toutefois, il y a désormais une différence majeure : aujourd’hui JE L’ASSUME !

Ça paraît peu de chose, mais ça change tout.

Quand on accepte d’être qui l’on est, quand on l’assume, peu importe les qu’en-dira-t-on, le regard de l’autre à de moins en moins d’impact, et ce qui nous paraissait monumental nous apparaît alors minuscule.

Avant, je me tortillais pour entrer dans un moule qui n’était pas fait pour moi.
Je me travestissais pour être validée par le regard de l’autre, désespérément. 

Avant, j’étouffais mon intuition et mon empathie pour avoir l’air « normale » et je n’assumais rien : ni les séances de psy, ni les troubles obsessionnels compulsifs, ni cette sensibilité à fleur de peau qui fait pourtant partie intégrante de ma personnalité. 

Avant, je cachais ce trop-plein d’amour et j’avais honte de mon cœur débordant.

Mais comment peut-on avoir honte d’aimer plus fort ?

Aujourd’hui, je vois mon hypersensibilité comme une amie et je la laisse autant que possible être un moteur dans mon quotidien. Tout naturellement, elle est moins à vif, elle semble entrer dans la danse.

Aujourd’hui, je suis pleine de gratitude pour cette capacité d’empathie si prononcée qui est en moi, parce que je trouve ça beau de vibrer à l’unisson avec les êtres qui croisent ma route.

Pour finir, je suis intimement persuadée que l’hypersensibilité, quand on apprend à l’aimer et à la respecter, est un cadeau dont le monde a besoin, et je crois qu’être soi-même est un des plus beaux visages de la liberté.

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Cécile Fessler